L'Europe et l’Islam by Henry Laurens & John Tolan & Gilles Veinstein

L'Europe et l’Islam by Henry Laurens & John Tolan & Gilles Veinstein

Auteur:Henry Laurens & John Tolan & Gilles Veinstein [Laurens, Henry]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Odile Jacob
Publié: 2009-02-18T23:00:00+00:00


Le commerce du Levant

Il est un autre domaine où le poids des réalités amène chrétiens et musulmans à mettre en sommeil l’idéologie de l’affrontement et à franchir pacifiquement les frontières terrestres et maritimes séparant les deux mondes : celui du commerce. Au Moyen ge déjà, l’attrait des précieuses denrées originaires d’Orient et d’Extrême-Orient – le poivre, les épices, la soie – et des immenses profits à attendre de ces trafics (la fortune de Venise reposait largement sur cette base) l’avait toujours emporté sur l’inconvénient de devoir aller charger à Beyrouth ou Alexandrie, c’est-à-dire en terre musulmane. Le fait que le monde musulman fût la plaque tournante des échanges entre les trois continents ne suffisait aucunement à dissuader les esprits entreprenants de prendre part à ce commerce. Les musulmans de leur côté ne poussaient pas la discrimination en la matière au-delà de la fixation d’un droit de douane plus lourd pour les harbî. Des traités de commerce fixant les règles du jeu et apportant aux étrangers la sécurité nécessaire furent passés entre les parties concernées. Les relations de cet ordre paraissaient, de part et d’autre, beaucoup plus inoffensives que les accords politiques et militaires et n’appelaient donc pas chez ceux qui les pratiquaient le même genre de « dissimulation ». Le seul point délicat portait sur les échanges d’articles stratégiques (armes, mais aussi matières premières), précisément parce qu’ils équivalaient à ces accords condamnés en contrevenant aux solidarités de rigueur à l’intérieur de chacun des camps. C’est seulement sur des trafics de cet ordre qu’avaient porté, par exemple, les condamnations des papes et des conciles, avec un succès d’ailleurs incertain.

Le cadre reste en gros le même à l’époque ottomane. Héritiers des Ayyoubides, des mamelouks, des Seldjoukides de Rûm et des Byzantins dans l’est de la Méditerranée, les Ottomans, comme les autres beylik anatoliens, avant que ceux-ci ne soient absorbés par les premiers, n’auront pas une attitude différente à l’égard des marchands francs. À leur tour, ils leur accorderont des capitulations et nous avons vu que ces types de traité se multiplieront, renouvelés et développés, tout au long de la période moderne. En même temps, les exportations qui risquent d’affaiblir le pays et de renforcer les infidèles, en guerre ouverte ou potentielle avec le sultan, sont réprouvées par la population et contrôlées par les autorités : elles sont interdites si elles n’ont pas fait l’objet de licences particulières. Le blé est au premier rang de ces articles « sensibles ». En cas de pénurie, les populations voient dans l’interdiction des exportations une obligation religieuse du souverain. Le pragmatisme s’efface alors pour laisser l’idéologie de l’affrontement revenir au premier plan. Le baile de Venise observe ainsi dans une dépêche de novembre 1551 : « Tous ces navires qui ont chargé dans ce canal [la mer de Marmara] sous les yeux de tous, ont provoqué des protestations du peuple qui va criant qu’on laisse charger du blé devant le trône même de l’empereur, ce qui ne s’est jamais fait et qu’interdisent la Loi et le Commandement du Prophète.



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